27-07-2025
Un monstre de 92 tonnes refait les rails des CFF à neuf
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D'énormes trains de travaux s'activent à Guin pour renouveler les voies. Reportage sur l'un des gros chantiers de l'axe Fribourg-Berne. Publié aujourd'hui à 09h34
Au total, les CFF vont renouveler 8 km de voies ferrées entre Fribourg et Berne. À Guin, c'est un tronçon de 170 m qui est remis à neuf.
Yvain Genevay / Tamedia
En bref:
«T'as déjà vu un conducteur de locomotive black?» Depuis sa cabine, Bacary Egger nous interpelle avec une bonne dose d'humour. Les vannes et les blagues, c'est un peu sa marque de fabrique. Mais seulement pendant les pauses. Le Fribourgeois reprend son sérieux, dès qu'il faut mettre en marche sa machine. Sa locomotive? Elle fait 84 tonnes et tire sept wagons de 90 tonnes chacun, remplis de ballast. Mercredi, on est allés la voir en action, juste à côté de la gare de Guin.
Quelque 170 mètres de voies ferrées doivent y être remplacés. C'est l'un des gros chantiers pour lesquels les CFF ont interrompu totalement la circulation des trains entre Fribourg et Berne du 27 juin au 25 août.
Le train de ballast est composé d'une locomotive et des sept wagons. Chacun d'eux pèse 30 tonnes et est rempli de 60 tonnes gravats spéciaux.
Yvain Genevay / Tamedia
Les voies ferrées, c'est comme les routes. Il faut les entretenir. «Le passage répété des trains modifie parfois la géométrie de la voie», explique Matthias Sartor, coconducteur des travaux. On parle ici de la hauteur de la voie, de sa position transversale et de son inclinaison dans les courbes. Des travaux ponctuels sont nécessaires. «L'usure naturelle des différents éléments nécessite, elle, un renouvellement total des voies environ tous les quarante ans», précise Nicolas Maitre Ballesteros, également coconducteur des travaux. D'où les travaux du jour. Le train de ballast roule à 4 km/h
Deux équipes d'une vingtaine de personnes œuvrent en alternance à Guin. La première de 6 h à 14 h. La seconde de 14 h à 22 h. Elles ont d'abord enlevé les vieilles voies et l'ancien ballast, terrassé le terrain, puis déposé une première couche de 20 cm de ballast et les nouvelles voies, composées de traverses en béton de 21 cm surmontées de rails.
Bacary Egger travaille depuis dix-sept ans aux CFF. Il a déjà conduit des trains de marchandises, des trains de voyageurs et maintenant des trains de chantier.
Yvain Genevay / Tamedia
Il manque encore 10 centimètres de ballast pour égaliser le niveau avec le reste des rails. «On ajoute cette épaisseur en plusieurs étapes pour ajuster parfaitement les voies», explique Nicolas Maitre Ballesteros. C'est là que Bacary Egger intervient. L'ancien officier de l'armée suisse fait lentement reculer son train de chantier. «Je roule entre 2 et 4 km/h, parce que la voie est irrégulière. Quand les voies sont trop déformées, je dois même descendre à 1,5 km/h. Là, c'est beaucoup plus technique. Je dois me caler sur un point fixe à l'extérieur pour m'orienter», raconte le quadragénaire, qui peut manœuvrer 17 locomotives différentes. «Qu'est-ce que vous voulez? J'aime les formations. Je suis aussi grutier ferroviaire.»
Des deux côtés des ballastières, un ouvrier ouvre ou ferme les vannes pour laisser s'écouler le gravier spécial entre les rails et juste à côté. Des contremaîtres les suivent à pied, les yeux rivés sur les rails, et leur indiquent les quantités exactes à déverser.
Deux ouvriers se tiennent à l'arrière des ballastières. Ils déversent les gravats spéciaux en activant les leviers correspondants.
Yvain Genevay / Tamedia
À la fin de l'opération, Bacary Egger repart dans l'autre sens. Dès qu'il sort du «trou» à combler, notre conducteur se permet d'aller un poil plus vite. Il s'arrête quelques dizaines de mètres plus loin pour laisser le champ libre au prochain engin. Les wagons se cognent les uns aux autres. Pour éviter qu'ils ne sautent, tous les attelages – à savoir les éléments d'attache entre les wagons – ont été détendus. On sent bien l'accordéon dans la cabine. Et on comprend beaucoup mieux les vitesses réduites. Faire vibrer le ballast
La bourreuse entre alors dans la danse. Le véhicule pèse 92 tonnes, et pas moins de six personnes sont nécessaires pour la manœuvrer. Son rôle est de soulever légèrement les rails avec des pinces, d'insérer ses bourroirs – des pièces métalliques vibrantes – entre les traverses et de secouer le ballast pour le mettre bien en place et le compacter. Elle replace aussi légèrement les voies au bon endroit.
Une bourreuse en pleine action.
Delphine Gasche
Le meilleur poste d'observation, c'est dans la cabine du milieu. Toute vitrée et presque à ras des rails, elle offre une vue imprenable sur la mécanique à l'œuvre. Et ça secoue bien! Dès que les bourroirs sortent du ballast, le train se déplace par à-coups de 60 centimètres, replonge ses tentacules, les fait vibrer, les ressort, et rebelote.
À l'intérieur de la cabine, le technicien a les yeux rivés sur un écran. Il doit s'approcher au plus près de la ligne horizontale représentant la hauteur définitive de la voie. On en est encore loin. Mais c'est normal. Le premier passage de ballastage-bourrage permet de gagner 5 cm. Le deuxième, trois autres. Et le dernier, un seul. On arrive à un total de 29 cm de ballast. «Le dernier centimètre est ajouté un an après, une fois que les trains ont bien roulé, rapporte Matthias Sartor. Ça nous permet aussi de refaire un contrôle des voies.»
Une équipe de techniciens mesurent la hauteur cible à atteindre et calibrent ainsi les instruments de la bourreuse. Ils communiquent via des radios de chantier pour bien se comprendre malgré le bruit particulièrement élevé juste à côté de l'engin de chantier.
Yvain Genevay / Tamedia
Une fois que la bourreuse a terminé, Bacary Egger revient. Et la valse se poursuit ainsi jusqu'à tard le soir. Au total, 700 tonnes de ballast seront utilisées pour cette voie de 4,5 mètres de large.
À deux pas de là, une grue aurait également dû être en mouvement pour l'étape précédente sur la voie parallèle, à savoir la pose d'aiguillages. «Mais on n'a pas reçu les éléments de voies à installer, indique Nicolas Maitre Ballesteros. Il y a eu un problème dans la chaîne d'approvisionnement.» L'imprévu ne devrait toutefois pas engendrer de retard. «Les équipes feront d'autres préparatifs.»
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Delphine Gasche est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pendant sept ans pour l'agence de presse nationale (Keystone-ATS) au sein des rubriques internationale, nationale et politique. Plus d'infos
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